Actus formation
25/7/2025

Plan d’amélioration de la formation : Vrai séisme pour la formation pro ?

Veille légale et réglementaire
Gestion d'organisme de formation

Le 25 juillet 2025, le Gouvernement a posé sa pelleteuse sur le chantier de la formation professionnelle : « Plan d’amélioration de la qualité de la formation professionnelle et de lutte contre la fraude ».

Ambitieux sur le papier, ce plan prévoit 18 mesures clés destinées à révolutionner le secteur.

Mais au-delà des annonces, qu’en est-il vraiment sur le terrain ? Décryptage.

Pourquoi un tel plan ?

La formation professionnelle vit, depuis la montée en puissance du CPF, un paradoxe : jamais autant de financements publics n’ont été mobilisés, jamais la défiance n’a été aussi forte. Faux bilans de compétences, titres fantaisistes, centres « full distanciel » enseignant des gestes métiers… Les rapports de France Compétences et de la DGCCRF ont fini par convaincre les ministères du Travail, de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur qu’il fallait sortir l’artillerie lourde. D’où cette réforme choc bâtie sur quatre piliers :

  1. Redéfinir la qualité : on ne juge plus sur la conformité documentaire mais sur l’effet mesurable – insertion, taux de rupture, prévention des accidents, lutte contre l’illettrisme.
  2. Éteindre la fraude à la racine : suspension immédiate du numéro de déclaration d’activité dès qu’un soupçon est considéré « sérieux », création d’un SI (Système d’information) interministériel pour croiser alertes, audits et sanctions.
  3. Élever le seuil d’accès au marché certifiant : habilitation obligatoire pour tous les CAP-BTS, extension de Qualiopi à chaque organisme préparant une certification, même auto-financée.
  4. Assainir l’écosystème d’audit : auditeurs Qualiopi eux-mêmes certifiés, France Compétences en appui direct du COFRAC, harmonisation des contrôles pour éviter le « tourment des quadruples visites » que dénonçaient certains.

Mesure Description Date de mise en œuvre prévue
Renforcement de la certification Qualiopi
  • Révision du référentiel national qualité (RNQ) : exigences accrues sur l'accompagnement des bénéficiaires, notamment les apprentis.
  • Plus grande rigueur sur les méthodes pédagogiques et le contrôle de la sous-traitance.
Fin 2025 – 1er semestre 2026
Création d'un label "Qualiopi Plus" Pour les organismes volontaires souhaitant aller au-delà du référentiel obligatoire Courant 2026
Renforcement du contrôle des certificateurs et des OF
  • Audits renforcés par l'instance nationale d'accréditation.
  • Harmonisation des pratiques de certification.
  • Rapports d'activité annuels imposés.
À partir de fin 2025, obligation début 2026
Révision des conditions d'accès au CPF
  • Filtrage plus rigoureux des organismes et des offres.
  • Suspension immédiate en cas de doute grave.
  • Suivi en temps réel via la plateforme MCF.
Déploiement dès 2e semestre 2025, généralisation en 2026
Réduction du nombre d'OF non conformes Objectif : restreindre l'accès aux financements publics uniquement aux organismes présentant des garanties sérieuses de qualité. Progression à partir de juillet 2025 – effet en 2026
Encadrement des pratiques commerciales Lutte contre le démarchage abusif (appels, mails, SMS). Collaboration avec la DGCCRF. Automne 2025 – tests à venir
Traçabilité numérique obligatoire
  • Signature numérique des feuilles de présence.
  • Preuves d'assiduité renforcées.
  • Attestations émises automatiquement.
**Obligation généralisée prévue pour le 1er janvier 2026
Sanctions et déréférencement des OF Dispositif "alerte-fraude" interministériel avec procédures simplifiées de déréférencement du CPF ou suspension d'habilitation.

Ce qui va bouger dès 2025-2026

CAP-BTS : le sésame rectoral ou rien

La première onde de choc arrivera en octobre 2025 : un centre qui souhaite préparer un diplôme Éducation nationale ou Ministère du Travail devra présenter un dossier d’habilitation auprès du rectorat et/ou de la DREETS. Exit le « je déclare un CAP boucher en autodidacte ».

Les critères publiés (adéquation totale aux référentiels, encadrement qualifié, plateaux techniques disponibles et sûrs) laissent peu de place à l’improvisation.

Les contrôles réels débuteront en 2026 : les rectorats prépareront eux-mêmes leurs grilles dès cet automne.

Pour les centres solides, c’est une formalité plus qu’un obstacle, mais elle exige un dossier béton : référentiel couvert à 100 %, preuves d’équipements adaptés, taux de réussite cohérents avec les chiffres France Compétences, convention de partenariat avec les entreprises d’accueil.

Qualiopi pour tous, fonds publics ou non

Jusqu’ici, un OF pouvait vendre une formation certifiante payée sur fonds propres sans passer par Qualiopi. Cette brèche disparaît au premier semestre 2026. La logique est imparable : si un titre est enregistré au RNCP ou au RS, il ouvre un droit « social » pour l’apprenant ; la qualité doit donc être garantie. Les indépendants très spécialisés, les studios de coaching premium, les organismes para-universitaires devront donc passer sous le radar Qualiopi ou renoncer au mot « certification ».

Le référentiel Qualiopi 2.0 annoncera une série d’indicateurs supplémentaires : insertion des apprenants à six mois après la formation, taux d'accidents du travail des apprentis, taux de rupture, axes RSE et numérique. Impossible de se réfugier derrière un PowerPoint : il faudra des données chiffrées, sourcées et remontées dans un portail unique piloté par France Compétences.

Les CFA en particulier devront démontrer qu’ils anticipent la prévention des risques métier (EPI, gestes professionnels, tutorat renforcé).

Audits : fin du contrôle « à distance »

Tous les audits (initial, surveillance, renouvellement) se feront in situ, avec présence du dirigeant. Les « cabinet-courtiers » d’auditeurs disparaissent ; chaque auditeur sera certifié selon un futur RS dédié à la conduite d’audit d’OF. Pour un réseau multi-sites, il faudra assumer le coût et l’organisation de visites physiques.

Suspension du NDA

Le plan introduit aussi une **suspension immédiate du NDA** (numéro de déclaration d’activité) en cas de suspicion sérieuse de fraude. L’administration pourra bloquer temporairement l’activité de formation sans attendre la fin d’une enquête complète.

Ce mécanisme s’appuie sur la coordination entre OPCO, DREETS, Caisse des dépôts et France Compétences via un système d’alertes croisées.

Dans les exemples cités par l’administration, cela viserait par exemple un OF dont les taux de réussite affichés seraient incohérents avec son BPF, ou une école sans locaux proposant des CAP en ligne.

L’objectif affiché n’est pas de multiplier les suspensions, mais de pouvoir réagir vite face à des situations manifestement anormales et protéger les financements publics pendant l’instruction du dossier.

France Compétences, nouveau shérif aux côtés du COFRAC

Le COFRAC reste le maître-d’œuvre de l’accréditation, mais il travaillera désormais en binôme avec France Compétences, qui obtient un droit de regard sur les pratiques des certificateurs Qualiopi.

Un canal de remontée unique pour les irrégularités : si un audit repère un faux taux d’insertion, l’alerte remontera immédiatement dans le système d’information partagé. Cette tour de contrôle croise déjà les bases OPCO, DREETS, CDC et DGCCRF ; elle pourra déclencher un contrôle ciblé, voire la suspension préventive du NDA.

Dans la pratique, cette suspension n’est pas une condamnation définitive : l’organisme pourra répondre aux observations et présenter des éléments correctifs. Les textes à venir devraient préciser le délai de traitement et les voies de recours.

La transparence devient la norme

La réforme impose de revoir sa vitrine commerciale. Les intitulés marketing flous n’auront plus droit de cité, Bachelor, MBA ou autres MSc…

Les taux de réussite, de présentation, de rupture ou d’insertion devront provenir des bases officielles. Chaque site web, chaque brochure devra mentionner ces chiffres et surtout les mettre en perspective : expliquer pourquoi un taux d’emploi à 65 % dans un métier en tension peut être un succès, démontrer que la progression salariale est réelle, contextualiser les publics accueillis.

Autant dire que la communication corporate va devoir troquer les superlatifs pour des preuves sourcées.

Une loupe posée sur une pile de documents, représentant le contrôle accru de la formation professionnelle.

Un calendrier serré

2025-2026 sera une période de transition, mais pas de sursis, les échéances arrivent vite :

  • Octobre 2025 sonnera l’heure des premières habilitations et du contrôle « com antifraude » des dossiers RNCP/RS.
  • Début 2026, les nouveaux audits Qualiopi prendront le relais.
  • Fin 2026, le portail national des indicateurs d’insertion deviendra l’unique source légale ; tout écart sera interprété comme une tentative de manipulation.

Entre annonce politique et application : la bataille des textes

Le plan a beau être clair dans ses intentions, tout n’est pas encore gravé dans le marbre. La mécanique française impose plusieurs étages législatifs :

  • Les nouveaux indicateurs Qualiopi, notamment pour l’apprentissage, ne deviendront opposables qu’après publication d’un décret modifiant le texte de 2019.
  • La présence obligatoire du dirigeant lors des audits et l’exigence de certification RS pour les auditeurs relèveront vraisemblablement d’un arrêté ministériel.
  • Les mesures plus structurelles (rôle élargi de France Compétences auprès du COFRAC, extension de Qualiopi aux formations financées par des frais de scolarité) devront, elles, passer devant le Parlement ; dans le climat politique actuel, l’agenda pourrait glisser.

Seule disposition déjà juridiquement actée : le décret du 6 juin 2025 autorise explicitement chaque certificateur, y compris l’Éducation nationale, à habiliter un organisme tiers pour former ou évaluer à sa place, à compter du 1ᵉʳ octobre 2025. Théoriquement, tout OF souhaitant préparer un diplôme national devrait donc détenir cette habilitation dès cette date.

Problème : le dossier de presse ministériel table sur un démarrage opérationnel… au second semestre 2026 ! Si les financeurs appliquent strictement le droit, certains CFA risquent de voir leurs contrats ou dossiers CPF bloqués dès l’automne 2025. Autant dire que la rentrée se jouera aussi dans les conversations entre OPCO, Caisse des dépôts et DREETS : lecture souple ou rigoureuse ? Personne ne veut d’un black-out, mais nul ne peut l’exclure.

Séisme ou évolution nécessaire ?

Le terme « séisme » n’est pas exagéré, car ces mesures vont considérablement rebattre les cartes du secteur. Si vous êtes un organisme sérieux et structuré, ce plan représente une opportunité exceptionnelle : celle de vous démarquer par votre rigueur, votre transparence et vos résultats concrets.

À l’inverse, pour les organismes qui misaient sur la facilité ou la fraude, ce sera le grand ménage de printemps avant l’heure. On peut anticiper une baisse significative du nombre d’acteurs, mais également une hausse des exigences clients et des contrôles qualité.

En réalité, les organismes sérieux n’ont pas grand-chose à craindre : la plupart appliquent déjà ces bonnes pratiques (suivi des taux d’insertion, conformité des intitulés, pilotage qualité) depuis des années. La réforme vient surtout officialiser et généraliser ce que les acteurs rigoureux faisaient déjà, tout en fermant la porte aux pratiques borderline qui brouillaient le marché.

Conclusion : pas un coup de massue, une remise à plat

Dans l’histoire de la formation pro, 2025-2026 fera date : non parce qu’elle ajoute une couche de paperasse, mais parce qu’elle consacre le passage d’une logique déclarative à une logique de performance. Pour les organismes peu scrupuleux, la messe est dite ; pour les autres, c’est l’occasion de transformer la conformité en levier de confiance.

On a souvent comparé la précédente réforme (Qualiopi 2019) à un contrôle technique. La version 2025 ressemble davantage à un contrôle technique connecté : le véhicule reste le même, mais on installe des capteurs, on communique les données au constructeur et on prévient la panne avant qu’elle n’arrive.

Rédigé par
Benoît Favard
le
31/7/2025

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